Je soulève le canapé pour récupérer la petite figurine qui a glissé dessous. Je le repose. Du moins je crois que je le repose. En fait, non, il m’échappe et tombe lourdement sur mon petit orteil.
La première douleur n’est pas celle à laquelle je m’attendais.
Ce qui me fait d’abord très mal, c’est qu’un réflexe idiot m’empêche de hurler. J’ai besoin de crier mais ça ne sort pas. Sans doute une forme d’instinct paternel qui me tient silencieux pour ne pas affoler les enfants. Ou une fierté virile déplacée, une sorte de « Boys don’t cry » revisité. Ensuite vient l’autre douleur. Celle d’un orteil surpris et meurtri. Un orteil pas content de moi. Direction le Brooklyn Medical Care qui est à 200 mètres.
« Ça a du faire craaaack, votre truc » me dit le toubib à qui je raconte mon histoire.
Sans vouloir pinailler, mais conscience professionnelle oblige, je m’entends lui répondre. « Je dirai plutôt click ». « Click, c’est bon signe » me dit-il. Il ne blague même pas.
« Vous savez notre corps fait des bruits, des sons, qui nous aident à comprendre ce qui lui arrive. Notre corps nous parle souvent, et au fond de nous, nous savons très bien ce que chaque son signifie. C’est comme ça, c’est universel, mais nous avons tendance à faire la sourde oreille. Pourtant le son, ça interpelle et ça parle souvent parfaitement de l’origine de la douleur.
Il part récupérer la radio. Il revient enchanté.
« Bravo » me dit-il « Je vous félicite. La fracture est nette, propre, ça se remettra vite et bien. C’était donc bien un Click et pas un Craaaaack ». Bon, ça fait deux bonnes nouvelles, me dis-je : l’une pour mes oreilles et l’autre pour mon pied. Le bandage est fait en 2mn et on me donne une chaussure adaptée.
Je passe à l’accueil pour payer. Dans la précipitation, je n’ai pas pris ma carte de mutuelle mais heureusement j’ai ma carte bleue. 550$ ! « OUTCHHHHHHHHHHH », voilà ce qui s’échappe bruyamment de ma bouche quand je prends la facture. Silence dans la salle. Les gens se tournent vers moi et tout le monde a compris.
Le postulat du toubib se confirme : le son, ça interpelle et ça parle souvent parfaitement de l’origine de la douleur.