Ces derniers mois, j’ai pris conscience de l’un des rares avantages que provoque en moi le jetlag.
Poussé un peu loin, c’est-à-dire dans une logique de répétition, j’ai réalisé que ce sentiment de ne pas à être à la «bonne heure» engendre parfois un décalage tel que même la pensée se décale et qu’il peut en sortir des choses tout-à-fait surprenantes : un geste créatif inattendu, une fulgurance pour penser sous un angle incongru, une remise en question d’où surgit la lumière que l’on n’attendait plus et, en la matière, que l’on n’entendait pas.
L’an passé, par deux fois, c’est au jetlag que j’ai dû des fulgurances créatives majeures et dont l’équipe de notre agence d’identité sonore se souvient encore. C’est d’autant plus intéressant aujourd’hui car me voilà en plein jetlag sans avoir voyagé.
Physiquement, je suis là, et non pas dans les aéroports.
Je ne prends pas l’avion mais le décalage est tangible pour moi et, semble-t-il, très visible pour les autres.
Ce matin, j’ai entendu trois fois «Dur, dur, on dirait». D’une certaine façon, l’équipe me met la pression. Il s’en faut de peu pour que je lise la pensée de chacun : «Décalé comme ça, tu vas bien nous sortir un truc de fou, un coup de génie, non ?». Mais non, je ne vois rien venir. Les circonstances sans doute, l’âge aussi.
Gabrielle est née le 3 mars dernier.
C’est notre cinquième enfant, mais le poids des petites nuits est tel que ça pourrait être notre dixième. À bientôt 45 ans, j’ai l’impression qu’une nuit blanche me fait le coup du scrabble : «Nuit compte triple». C’est le super jetlag. Peut-être aussi le super jackpot.
Le coup de génie, le truc de fou, c’est peut-être elle. Sûrement même. En tout cas, Isa et moi sommes ravis.
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