Il y a des jours, et c’est rare, où la musique ne peut rien pour vous. Même avec la meilleure volonté.
Trois mois après la naissance de notre premier enfant, ma femme et moi étions décidés à retrouver une vie sociale. Théo ne nous avait pas facilité la tâche. Pas endormi avant 23h, réveillé 5 fois par nuit, ce beau bébé avait fait de nous des zombies, mais les choses semblaient s’améliorer. Nous invitons donc Elvire et son amoureux à venir dîner à la maison.
Tout débute parfaitement. Elle est ravissante et lui charmant. On passe à table. Enfin, on essaye.
Théo, dans sa chambre, se met alors à hurler. Je ne ménagerai aucun suspens. Il a hurlé non-stop toute la soirée. Cafouillage. Christian prend ça à la rigolade. Il en a vu d’autres. Il nous parle de ses divorces, de son soulagement de ne plus être ni dans les couches ni dans les nuits blanches. A 23h, le petit s’endort enfin, on le met dans le lit de l’autre côté de l’appartement, au cas où… Il était temps : ma femme est sur les nerfs et moi je commence à piquer du nez de fatigue. Tout cela amuse Christian qui observe mes guitares posées à côté du piano. Il n’a qu’une envie, se lever et jouer. Elvire lance « J’ai dit à Christian que je t’avais vu sur scène, Michaël, que c’était formidable.
Allez, faites nous un super bœuf ». Pression.
Christian prend la Gibson demi-caisse, moi une Cuenca Grande Caisse made in Cuba. On attaque des standards de rock. C’est là que la magie musicale opère – enfin en principe. Le flop, ça s’appelle comme ça. D’abord, moi je m’endors en jouant, donc pas du tout dans le rythme. Pourtant Blue Suede Shooes, y’a plus dur à jouer.
Ensuite, lâchant la guitare pour limiter la casse, je me mets au piano, mon instrument de base. Là, j’ai la nette impression que Sweet Home Chicago est un chemin de croix. Je perds la cadence et m’emmêle dans les 3 pauvres accords du morceau. J’arrête. Christian se marre même si je pense qu’il est déçu. Cette soirée est un naufrage où se noient ma réputation et notre vie sociale. Nous raccompagnions Elvire et Christian, lequel me tend un grand sourire d’indulgence et de compassion. « Christian, je te promets, la prochaine fois, lui dis-je, c’est toi qui me suppliera qu’on arrête, tellement tu auras les doigts en sang sur la guitare… ».Ce soir-là, nous n’aurons parlé ni marque, ni pub, ni design musical.
Il m’aura juste glissé un petit mot discret sur cette petite agence surprenante qu’est Sixième Son. Un grand compliment venu de lui. Ce soir-là, j’ai découvert un Christian Blachas attachant, drôle et bienveillant. Nous n’avons jamais rejoué ensemble. Je n’ai jamais pu tenir ma promesse. Aujourd’hui, je le regrette amèrement. Merci Christian, pour cette soirée et pour le reste.
Bou Doum Bye.