Depuis le début de l’année, mes journées ressemblent à une course contre la montre à contre-courant. C’est aussi jubilatoire que désagréable comme sentiment. Je vis une période formidable si j’accepte de ne regarder que mon agenda, les projets sur lesquels je travaille, les relations que Sixième Son a tissé avec ses clients et celles que les membres de l’équipe entretiennent entre eux. Or, autour de nous, dans les journaux, à la télé et dans les discussions de famille, la crainte domine. Est-il de mauvais goût d’afficher son bonheur et son plaisir à travailler. D’ailleurs, ce bonheur est-il durable quand tout semble devoir se recouvrir d’un voile gris ?
Je dois avouer que je ne crois pas que cela soit durable tant ce qui se passe est objectivement le fruit d’un équilibre fragile et sans doute de circonstance. Je travaille douze heures par jour, ce qui n’est pas colossal au regard de ce à quoi ressemblaient mes journées il y a dix ans, mais ce n’est pas durable. Les projets sur lesquels je travaille se répartissent exactement comme je l’aime : nous travaillons sur un nouveau projet pour une grande marque de luxe et un autre pour une marque low cost. Nous lançons un grand programme d’identité sonore pour une marque de service qui se repositionne et un autre pour un célèbre produit de grande consommation qui se réinvente. Nous avons un projet à 6 000 kilomètres d’ici pour un grand institutionnel et un autre à 3000 kilomètres pour un distributeur populaire. Je n’y suis pour rien, cette répartition me semble le fruit d’un heureux hasard sur lequel je n’ai aucune prise. J’ai toujours affiché mon souhait d’être pour un tiers de mon temps au contact des clients, pour un tiers en création et pour un tiers en réflexion sur l’évolution de l’agence. C’est exactement ce qui se passe depuis que l’agence a substantiellement étoffé son équipe, il y a quelques mois. Je prends un peu de recul et la seule réflexion que cela m’inspire est : quelle chance !
Cette chance durera-t-elle ? Parfois je me dis que cela importe peu. Avoir connu une telle situation est un privilège dont je suis conscient. Je ne demande pas plus que ma part, je fais néanmoins tout ce que je peux pour que cela dure, s’amplifie au profit de l’agence, de ceux qui lui accordent leur confiance, de notre équipe, de ma famille et des talents auxquels je crois.
Je pense, plus que jamais, que cela durera à la condition d’amplifier la portée de notre vision et d’investir sur les talents de jeunes gens qui souhaitent s’investir pleinement à l’agence. C’est à cela aussi que je veux m’employer ces prochains mois et ces prochaines années. « Sans travail, le talent n’est qu’un feu d’artifice » écrivait Roger Martin du Gard, le célèbre créateur des Thibault. Ceux qui ont ce talent et cette capacité, cette volonté de travail acharné trouveront leur place à l’agence et à leur tour auront, je l’espère, cette chance de nager avec bonheur quelque que soit le sens du courant.